Edelweiss [Fiction non HP]

Et voilà, vous l'attendiez tous... et je vous l'offre XD ce magnifique prologue x)

Prologue

Je cours. Mes pieds nus sont tout écorchés, mes bras et mes jambes également. Je ne fais pas attention où je vais, je sais juste que je dois fuir. Et plus vite. Mon cœur tambourine dans ma poitrine, me rappelant le danger. Comme si j’en avais besoin…
La respiration hachée, des larmes roulant sur mes joues, je continue à courir. Si je m’arrête, je meure, et je ne compte pas passer froide tout de suite. Mes pieds foulent le sol, je ne regarde pas où je les mets. Ce qui devait arriver arrive. Ma cheville se tord brutalement, je pousse un cri étranglé, me retiens à un arbre. Et je reprends ma course malgré la douleur. Pour éviter d’autres sons qui me trahiraient, je me mords les lèvres, et un goût de sang emplit ma bouche.
Derrière moi, j’entends un rire rauque. Il m’a vue fléchir. Il sait que je ne vais pas tenir longtemps. Ou bien il sait ce qu’il m’attend. Salive-t-il déjà à l’idée de ce qu’il va me faire subir? Personnellement, j’en tremble déjà. Torture, acharnement, meurtre. Ces trois mots virevoltent dans mon esprit, la bile me remonte dans la gorge.
Je ne dois pas craquer. Je ne dois pas craquer.
Oh, mon Dieu, je craque. Si vous m’entendez, s’il vous plaît, s’il vous plaît…

Dieu n’a pas l’air de m’entendre. Ou il veut pas m’aider. Dans un dernier espoir, je lève mes yeux embués de larmes vers le ciel que je vois à peine à travers les arbres, et je hurle:

- GABRIEL!!

Encore une fois, aucune réponse. Il doit surveiller mon petit frère. Protège-le, Gabriel, protège Evan… jusqu’à la mort, Gabriel, protège-le…
J’espère qu’il entend mes prières.
*Cours, Del.*
Il m’a entendue. Je reprends espoir, alors que sa voix, si douce et chaleureuse, résonne dans mon esprit. J’accélère. Si Gabriel m’ordonne de courir, c’est qu’il y a de l’espoir devant.
*Merci*, murmuré-je mentalement.
Il ne répond pas. Peut-être est-il occupé avec Evan. Ou alors… peut-être qu’il y a quelqu’un à la grotte. Quelqu’un de dangereux qui l’est suffisamment pour qu’il n’ose pas m’envoyer des appels mentaux. Ma panique s’aggrave. Evan, Evan… mes larmes redoublent, mais je n’émets pas un bruit. Les seuls son sont mes pieds écrasant des feuilles mortes.
Des arbres, des arbres à perte de vue. Où est l’espoir que m’a quasiment promis Gabriel? Je ne veux pas mourir… je dois sauver mon petit frère. Alors, pour ne plus voir mon désespoir, je ferme les yeux, et je continue à courir. Histoire que je me prenne un chêne et que l’homme derrière m’achève.

- Arrête-toi.

C’est ça, fourre-toi le doigt dans l’œil jusqu’au coude mon petit! J’ouvre à nouveau les yeux. Sa voix n’avait même pas le timbre d’une personne qui coure depuis une heure déjà. Juste lasse. Ma gorge se serre.

- Enfoiré!

Et je continue à courir. Ma voix à moi était presque suppliante. Chose que je déteste. Et soudain… devant moi… les arbres s’arrêtent. Je manque de pousser un cri de joie, mais au lieu de cela, ignorant les appels lancinants et douloureux de ma cheville, j’accélère encore.
Mon cœur tombe brutalement dans ma poitrine. À cent mètres, un ravin. Pas un petit ravin. Un gros gouffre. De plus de vingt mètres. Et j’étais certaine qu’on en voyait pas le fond.
Alors c’était ça, l’espoir de Gabriel?
Mon dos se met à me faire souffrir. Un sang chaud coule le long de mes reins, tâchant ma robe de toute façon plus si blanche que ça. J’ai envie de me rouler par terre, tellement la douleur est forte. Mais je ne pousse pas un cri, je coure, et je coure encore, ne m’arrêtant pas. J’ai l’impression que je ne m’arrêterai jamais.
La mort. C’est la délivrance que m’offre Gabriel. Quel soulagement. Ignorer une mort pour une autre! Sans doute moins douloureuse.
*Je crois en toi.*, me lance la voix télépathique de mon protecteur. Bien faible cette voix. Je ne prends pas la peine de lui répondre. Il m’envoie à la mort! Il veut un merci, peut-être?
Et soudain… il n’y a plus de sol sous mes pieds. Cette fois, un hurlement indistinct s’échappe de mes lèvres.

Et mes ailes se déploient.

Chapitre Premier

Un an plus tôt.

Les élèves se levèrent tous de leur chaise lorsque le proviseur entra. Le bras de l’homme était passé autour des frêles épaules d’une jeune fille. Évidemment, tous les regards se braquèrent aussitôt sur elle, et la pauvre eut le rouge qui montait légèrement à ses joues pâles, mais elle garda le regard bien droit et fier.
Le proviseur s’éclaircit la gorge avant de lancer à la cantonade de son habituel air enjoué:

- Mesdemoiselles, messieurs, je vous présente Edelweiss Hinsley. Elle suivra avec vous les cours jusqu’à la fin de l’année, et merci de l’accompagner dans ses premiers pas au lycée d’Effels.

Ils y eut des murmures parmi les adolescents. Logan lança un léger coup de coude à Gareth en désignant la nouvelle. Il lui chuchota avec un sourire:

- Mignonne, non? On pourrait essayer de te recaser.

Les yeux extrêmement clairs d’Edelweiss Hinsley se fixèrent soudain sur Logan. Il soutint un bref instant son regard gris froid, gardant son éternel sourire chaleureux. Étrange que les prunelles de la jeune fille soient si glacées comparé à son apparence frêles et timide. Elle ressemblait à… un ange, mais à un ange à l’expression dure et intouchable. Elle finit par détourner les yeux après un éclair de mépris passé dans ses prunelles. Avait-elle entendue le chuchotement? Elle n’était pas la seule, dans ce cas. Plusieurs élèves pouffèrent, et Gareth leva les yeux au ciel.

- Toi et ta discrétion légendaire, se moqua-t-il.

Son ami haussa les épaules, continuant d’observer Edelweiss à la dérobée. Ses cheveux étaient blonds, d’un blond très pâle, presque blanc, et semblaient aussi fins que de l’eau pure. Ils retombaient, raides, sur ses épaules. Elle était habillée n’importe comment. Une chemise bien trop grande pour elle, dont les manches cachaient ses mains, un jean plus à sa taille, mais troué de partout, et ses yeux n’étaient pas maquillés comme ceux de toutes les autres filles. Elle dégageait une expression de sérénité mais de méfiance. Elle aurait pu être attirante sans cet air glacial. Logan se détourna pour sourire à sa propre petite amie, Alice, qui l’observait d’un air courroucé. Lorsqu’elle capta les yeux pétillants de Logan et son sourire tendre, elle se détendit.

- Si tu continues à mater les autres comme ça, Alice va finir par te jeter, murmura Gareth bien plus discrètement que précédemment.

- N’importe quoi…

Logan fit un clin d’œil à sa bonne amie avant de reporter son attention sur Edelweiss qui… n’était plus là. Les élèves se rassirent lorsque le proviseur sortit, et il remarqua qu’elle s’était installée près de Jassica, une adolescente de seize ans qui en paraissait douze. Un air enfantin, des cheveux roux lissés, un regard souligné de khôl, et une taille à en faire baver d’envie un nain de jardin. Jassica ne dépassait pas le mètre quarante-cinq. Elle se pencha aussitôt vers Edelweiss pour discuter.

- Salut! Moi c’est Jass.

Edelweiss parut surprise de l’attention que lui portait la rouquine, la regarda un instant sans répondre, puis esquissa un sourire qui adoucit ses traits.

- Enchantée, dit-elle simplement.

- Edelweiss, c’est ça? Relança Jassica.

- Je préfère Del…

Jass acquiesça d’un air rayonnant. Ses multiples tâches de rousseur masquaient sa peau pâles, et ses yeux ambrés pétillaient.

- Tu étais à quel lycée, avant?

Edelweiss parut embêtée. Elle prit le temps de réfléchir avant de répondre en haussant les épaules:

- J’étais à Seattle.

- Vraiment? S’exclama Jassica.

- Mesdemoiselles… s’il vous plaît, le cours commence.

Del se désintéressa aussitôt de Jass et de son bavardage pour concentrer son attention sur le professeur, qui lui adressa un sourire encourageant et commença son cours. La rousse fronça le nez devant tant d’impolitesse, avant de se dire que c’était au contraire de la politesse vis-à-vis du prof de mathématiques. Aussi s’appuya-t-elle contre le mur et cessa de parler, dessinant des petits motifs sur son cahier. Appliquée, elle traça les traits d’une main experte, et ne sentit pas le regard d’Edelweiss sur la page.

- Tu dessines vraiment bien.

Surprise, Jassica leva les yeux, et croisa le regard clair de Del. Elle sourit.

- Merci. Ce ne sont que des gribouillis…

- C’est magnifique.

La rouquine remercia à nouveau, avant qu’Edelweiss ne se replonge dans la prise de notes et elle dans ses petits dessins.
Lorsque la sonnerie retentit, un soupir de soulagement commun ébranla la salle. Seule Del semblait avoir écouté ce que le professeur avait dit. Elle ramassa ses affaires, et s’apprêtait à sortir seule quand Jassica lui attrapa le bras.

- Attends! Si tu veux je peux te faire visiter le lycée…

- Non, merci, déclina Edelweiss, je pourrai m’en sortir.

Jass eut une mine déçue, mais la jeune fille aux cheveux blonds n’y fit pas garder et sortir de la salle. Aussitôt, Logan l’accosta avec un sourire charmeur.

- Salut! Je m’appelle Logan Denvas. En général, je fais visiter le lycée aux nouveaux, et cela pourrait nous permettre de faire connaissance… qu’en dis-tu?

Edelweiss le fixa d’un air froid. Jassica se positionna silencieusement à ses côtés, et finalement, la première répliqua:

- Non, merci. Jass me l’a déjà proposé, et j’ai dit oui. Bonne fin de journée.

Jassica fit un grand sourire. Edelweiss n’accorda plus un regard à Logan et s’éloigna à grands pas, suivie de la rouquine. Celle-ci attrapa brusquement le bras de la blonde.

- Écoute. J’ai adoré que tu rabattes le caquet de ce prétentieux de Denvas. Mais je n’aime pas être utilisée.

Edelweiss parut surprise de tant de ferveur, et comprit son erreur.

- Excuse-moi, Jass, je ne pensais pas que tu puisses le prendre comme ça. Et j’ai été abrupte, tout à l’heure. Je veux bien que tu me montres le lycée.

Jassica haussa un sourcil, presque contrariée de son abdication trop rapide, puis haussa les épaules.

- Là c’est la pause. Viens.

Edelweiss suivit docilement sa nouvelle rencontre. Elles descendirent les escaliers jusqu’à se retrouver dans une grande cours que Del avait dû traverser pour venir. Un groupe d’adolescents se tenaient autour d’un banc.

- Je vais te présenter à la « bande », lança joyeusement Jassica.

Del retint un léger soupir de frustration. La prochaine fois, elle penserait à se balader avec un panneau « je ne suis pas sociable » autour du cou. Mais elle marcha sur les pas de la jeune rousse, et se retrouva bientôt entourée de neuf personnes, sans compter Jass et elle.
Nohlan était un garçon plutôt petit, au grands yeux bruns qui lui donnaient toujours un air effarouché. Il semblait être le rigolo de la bande, et essaya aussitôt de mettre Edelweiss à l’aise avec quelques blagues. Gareth était là, et fit un léger sourire d’excuse à Del, et elle hocha la tête rapidement. Enola avait un air fatigué, de gros cernes sous les yeux, et un paquet de cigarettes dépassait de sa poche. Ses cheveux blonds foncés étaient relevés machinalement sur sa nuque par une barrette, et de nombreuses mèches folles venaient prendre place sur ses yeux verts.
Edelweiss ne put retenir tous les prénoms, et s’emmura rapidement dans un silence poli, lorsqu’Adrien lui eût laissé sa place sur le banc. Mais ils ne semblèrent pas s’en offusquer et discutèrent entre eux sans se soucier d‘elle.
Le regard de Del, qui vagabondait ci et là, remarqua soudain un jeune homme à l’écart. Des yeux d’un bleu époustouflant (elle pouvait en voir la couleur de là où elle était), des cheveux bruns qui ondulaient devant ses prunelles, il était assis nonchalamment contre un arbre, un genou replié. Il lui adressa un bref sourire.
Elle se détourna, pas du tout intéressée par tous ces frimeurs. Mais Jassica avait vu ses yeux accrocher au brun, et elle lança:

- Lui c’est Gabriel Anchas. Je ne crois pas l’avoir entendu parler depuis le début de l’année! Il est nouveau, comme toi.

Edelweiss sourit poliment. Qu’est-ce qu’elle en avait à faire? Mais ses remarques restèrent pensées et elle ne dit rien. Nohlan, lui, parut le remarquer et lança, amusé, à Jass:

- En fait je crois qu’elle s’en fout.

- Mais pas du tout, protesta Del avec mauvaise foi, c’est bien de connaitre le nom des gens…

Le garçon ricana en lui adressant un clin d’œil pendant que Jassica lui donnait des coups de poings bien trop légers pour être douloureux.
Edelweiss les laissa à leur bagarre, et se plongea dans ses pensées. Le fait que Jassica l’ait incrustée dans le groupe avait chamboulé ses plans. Elle avait au départ prévu de faire comme les années précédentes dans les autres lycées: se tenir à l’écart et ne pas lier amitié. Le premier point était déjà fichu. Elle espérait ne pas faire tomber à l’eau le second.

- Désolé pour tout à l’heure…, lança soudain une voix.

Edelweiss releva les yeux pour croiser le regard sombre de Gareth.

- Désolé de quoi? S’étonna-t-elle.

Il eut un petit sourire navré.

- Du comportement de Logan envers toi.

- Oh! Ne t’inquiète pas. Je n’y ai pas prêté attention.

En réalité, ce n’était pas le premier qu’elle envoyait sur les roses. Elle n’avait pourtant pas un physique parfait. Des yeux gris trop froids, des cheveux trop clairs, une poitrine trop menue, et la taille trop fine. La cicatrice sur sa joue gauche entachait le peu de beauté qu’elle avait. Mais elle ne se souciait guère de son apparence.

- Ah, ça sonne, lança soudain Nohlan.

Il avait immobilisé Jassica dans ses bras puissants malgré sa petite taille, et elle se débattait vainement. Il la prévint:

- Je te lâche, mais si tu m’attaques, j’te fous une patate.

Jass acquiesça fébrilement, et il la libéra de bonne grâce. Edelweiss les suivit au cours suivant.

La journée fut longue. Lorsque Del rentra chez elle à dix-huit heures, son petit frère était déjà là. Il zappait machinalement sur la télé. La jeune fille lui déposa un baiser sur la joue.

- Alors, l’école?

Evan ne répondit pas tout de suite. Puis, lentement, il lâcha:

- Comme d’habitude dans une nouvelle école. Sauf que cette fois on arrive en mars et pas en septembre.

Edelweiss se mordit la lèvre inférieure. Evan avait beau avoir huit ans, il était d’une redoutable ironie, et son mal être était palpable. Il souffrait de ces déménagements continus. Elle renonça à grignoter quelque chose et s’assit près de lui.

- Ev… je suis vraiment désolée. Mais c’est nécessaire, de partir…

- Toujours partir. Quand trouverons-nous un point d’attache, Del? Quand j’aurai quarante ans? Quelle vie géniale!

Il y avait des larmes dans les yeux d’un bleu captivant du petit garçon. Il était incroyablement intelligent. Parfois, Edelweiss était impressionnée par sa capacité de réflexion.

- Oh, Evan… je…

- Tu es désolée, je sais, la coupa-t-il.

Les larmes roulèrent sur ses joues rondes.

- Mais j’en ai assez, je suis fatigué…

Edelweiss essuya les larmes, émue. Evan se serra contre elle, se désintéressant totalement de la télévision. Sa sœur savait combien c’était dur pour lui. Il était trop sociable pour ne pas se faire d’amis à l’école, et chaque fin d’année, il devait les quitter pour ne plus jamais les revoir.
Et le pire, c’est que l’année prochaine, ce manège recommencerait.